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African Population Studies/Etude de la Population Africaine, Vol. 22, No. 2, 2007, pp. 153-173 De la Sensibilisation des Populations à la Gestion de lEnvironnement Urbain dans les Quartiers Précaires De la Ville dAbidjan Traoré Kassoum Unité de Formation et de Recherche des Sciences et Gestion de lEnvironnement (Option politique environnementale)/ Université dAbobo-Adjamé / Côte dIVoire Code Number: ep07014 RESUME La prolifération des quartiers précaires dans la ville dAbidjan qui résulte dune urbanisation rapide et non maîtrisée est un réel problème pour les pouvoirs publics et pour lensemble de la société ivoirienne. Cette situation ne surprend guère dans la mesure où la ville dAbidjan est apparue depuis les années 1970 comme une véritable capitale cosmopolite de la sous région. Elle résulte du développement de lindustrie, du commerce et des autres secteurs dactivité qui se concentrent dans la région dAbidjan. La crise économique que connaît le pays, et son corollaire quest la paupérisation des couches les plus vulnérables de la population urbaine, posent le problème de la gestion des quartiers précaires dont le nombre ne cesse de croître au fil des années. La densification des populations dans ces types de quartiers sans commodités provoque des problèmes de santé liés justement à la dégradation de lenvironnement. Les populations de ces quartiers- généralement démunies- ont peu dinformation sur la gestion de lenvironnement urbain, de sorte que celles-ci sintéressent peu à la gestion de leur cadre de vie. Il nexiste, à lheure actuelle en Côte dIvoire, aucune action systématisée et coordonnée en matière dinformation et de sensibilisation environnementale (SISSOKO Alain, 1993). La sensibilisation des populations est encore insuffisante.Le présent article tente de montrer les insuffisances dans ce domaine. Mots clés : sensibilisation, gestion de lenvironnement, quartiers précaires, Abidjan INTRODUCTION Carrefour de plusieurs flux migratoires de la sous-région, la ville dAbidjan, avec environ 4 millions dhabitants, constitue depuis plusieurs années un véritable pôle dattraction. Notons aussi quà la suite du déclenchement du conflit armé du 19 septembre 2002, la ville a accueilli plus de 75% des déplacés internes([1]). Dans ce contexte, la population urbaine et le taux durbanisation de la capitale économique nont cessé daugmenter avec comme corollaire la formation de nombreux quartiers spontanés dans la périphérie. Cette situation engendre dimportants problèmes dinsalubrité et de gestion urbaine (Koua, 1995). Parmi ces problèmes, on peut citer la gestion des déchets urbains, en particulier des ordures ménagères, le balayage des rues, le curage des caniveaux, lentretien des jardins publics et des berges lagunaires, le dégagement des trottoirs et du domaine public, sans oublier la divagation des animaux dans certains endroits. Pour remédier à cette situation, le gouvernement ivoirien avait mis en place une brigade de salubrité (janvier 1997) chargé de mener une lutte vigoureuse et coordonnée contre toutes ces nuisances en vue de restaurer la salubrité du cadre de vie des Abidjanais. Lune des actions prioritaires était dinformer et de sensibiliser la population sur la gestion de lenvironnement pour une meilleure santé. Malheureusement, on constate aujourdhui labsence dun programme de sensibilisation cohérent en faveur de cette population. En réalité, les interventions épisodiques des spécialistes dans les médias ne touchent quune infime portion des populations concernées des quartiers précaires. Il résulte de cette situation lindifférence et le désintérêt de ces populations vis-à-vis des actions de sensibilisation menées en vue de lembellissement du cadre de vie. (Sissoko, 1993). Lexpérience a montré que les projets communautaires de gestion des ordures conçus sans la participation de la population ont beaucoup de mal à être mis en uvre. La sensibilisation sur les problèmes environnementaux permet à la population cible de prendre conscience des interrelations entre population, environnement et développement socio-économique tant au niveau planétaire que national et local. Elle stimule le sens de la responsabilité individuelle et collective des citoyens face à leur environnement, et contribue à conduire les individus à mieux connaître et gérer efficacement les problèmes environnementaux. Les actions ou les programmes de sensibilisation ne présentent dintérêt et de portée que sils sont prioritairement en relation concrète avec des problèmes environnementaux précis qui se posent aux populations et que celles-ci doivent résoudre. La sensibilisation en matière environnementale, objet du présent article, doit sinscrire dans cette logique sociale, si lon veut espérer conquérir la participation réelle des populations, dans le cadre de la préservation de lenvironnement urbain. Il nous semble que cest en mettant dabord laccent, à travers les actions et les programmes de sensibilisation, sur les besoins essentiels des populations (santé, habitat, éducation, travail ) que les individus pourront progressivement mieux percevoir et surtout vivre leur environnement et en avoir une conscience plus intégrée et plus globale. Cet article examine la pertinence dune campagne dinformation et de sensibilisation de proximité en faveur des populations des quartiers précaires de la ville dAbidjan. Sur le plan méthodologique, létude combine les deux approches qualitative et quantitative. Ce travail sappuie sur les données denquête et dobservation du terrain sur une période de six mois dans les quartiers précaires([2]) de la ville dAbidjan (voir la carte de la ville en annexe). Lenquête a porté sur un échantillon de 300 ménages tiré par un sondage à probabilités inégales. Les quartiers précaires enquêtés ont été choisis de façon aléatoire. Un guide dentretien a été administré aux responsables de la gestion de lenvironnement, du district et des autorités municipales. Ce travail présente dans un premier temps un aperçu de la politique de gestion de lenvironnement de la ville dAbidjan. La seconde partie porte sur la perception de lenvironnement et la gestion du cadre de vie par les populations de quartiers précaires de la ville dAbidjan. Enfin, la troisième partie analyse les conditions de travail des agents de salubrité et la crise de sensibilisation de la population. 1. Cadre institutionnel de gestion de lenvironnement urbain dAbidjan La mairie centrale de la ville dAbidjan était, à lorigine, la juxtaposition des dix (10) communes urbaines. Pour faire face aux contraintes diverses liées à la croissance de la ville, lautorité gouvernementale a créé le district dAbidjan qui regroupe aujourdhui non seulement les communes mais aussi les sous-préfectures du département dAbidjan. Cette nouvelle entité administrative va au-delà des 10 communes dAbidjan, car elle regroupe aussi Grand-Bassam, Dabou, Bingerville, Anyama, etc. ; par conséquent, e territoire couvert par ce district est donc très vaste. Vu la taille de cette unité administrative, le gouverneur du district est nommé par décret du Président de la République([3]). Le contrat entre le district dAbidjan et les dix communes de la ville dAbidjan en matière de la gestion de lenvironnement reste toujours valable. Notons que le district collabore avec le Ministère de lenvironnement qui est la tutelle en matière de politique environnementale. Cest elle qui développe la politique, les stratégies et les grandes actions à mener en matière environnementale. Daprès la loi n° 2001-478 du 09 août 2001 portant statut du district dAbidjan (article 6), le district dAbidjan peut conclure toutes conventions avec lEtat, dautres collectivités territoriales, les établissements publics et les groupements ou les organismes privés pour mener avec eux des actions relevant de leurs compétences. Il peut aussi engager des actions complémentaires à celles de lEtat et des collectivités territoriales de son ressort dans les domaines et les conditions fixés par la loi. Le district dAbidjan a pour attributions, entre autres, dassurer :
Pour promouvoir un environnement urbain sain, un certain nombre dactions ont été mises en uvre par la mairie. Il sagit notamment dun schéma général de gestion de lenvironnement urbain élaboré de manière consensuelle pour gérer lenvironnement des communes à Abidjan. Chaque commune devrait ainsi disposer dun service "hygiène et environnement" dont la tâche essentielle est de lutter contre linsalubrité de la commune avec lappui du district dAbidjan. Pour sa stratégie de lutte contre linsalubrité, la commune dispose au sein du département "hygiène et environnement" de quatre services techniques spécialisés qui sont : le service hygiène, le service protection civile, le service nettoiement et le service parcs et jardins. 1.1. Le service hygiène Il a pour rôle de sensibiliser la population sur la question de lassainissement du cadre de vie. Il est composé des agents de la mairie et de certains agents des sociétés privées de sous-traitance en matière dhygiène. Les agents doivent vulgariser auprès des habitants de la commune les principes de lassainissement du cadre de vie, les techniques de gestion des ordures ménagères, en vue de leur assurer une meilleure santé. Les actions de ce service sétendent aussi à la vérification des hôtels, des toilettes publiques et des restaurants ; à ceux-ci les agents de la mairie exigent une visite médicale régulière dont les résultats déterminent la fermeture ou non du restaurent ou du maquis. 1.2. Le service de protection civile Le service de la protection civile dispose en général dun cadre dopération déterminée. Il est une extension du service dhygiène. Il sagit pour ce service de vérifier les conditions de travail de la population, dexiger des travailleurs lapplication des mesures de salubrité, pourlassainissement du cadre de leur service, donc de leur vie. Ce service joue également un rôle de sécurité auprès des travailleurs dans la mesure où ses agents se chargent de vérifier si ces derniers sont bien équipés dans lexercice de leur fonction, pour éviter certains accidents de travail. Il intervient aussi dans le cadre de la gestion des ordures dans les lieux publics, dans les services et dans les usines. 1.3. Le service nettoiement Ce service est chargé du curage des caniveaux à ciel ouvert, le désherbage, le balayage des quartiers. Il veille sur les lieux de rassemblement des ordures et autres déchets en attente denlèvement. Ce service travaille aussi avec des sociétés telles que ASH International et Clean Bor Côte dIvoire, etc. Ces sociétés dans le cadre de leur intervention disposent des agents affectés au balayage des quartiers. Cest le cas de la mairie de Cocody qui a signé un contrat de collaboration avec la société clean Bor pour encadrer les femmes engagées pour accomplir cette tâche. Il en est de même pour la mairie de Port-Bouét, Marcory, Adjamé, Abobo, etc. Le balayage et le curage des grandes artères appelées voies conventionnelles, et le ramassage des ordures relèvent de la compétence des sociétés suscitées. Il sagit des boulevards, les voies express, les grandes rues. Toutes ces opérations de salubrité sont faites en collaboration avec le service technique de la mairie. En effet, la collecte et lélimination des déchets ménagers dans les dix communes dAbidjan sont réalisées par plusieurs intervenants, dont chacun a une responsabilité précise :
Malgré cet arsenal de mesures, le taux denlèvement des ordures natteint pas les 100%. Par conséquent, ce sont les communes elles-mêmes qui soccupent de lenlèvement des déchets non pris en compte dans le contrat, notamment les branchages, les déchets inaccessibles aux camions des sociétés. Ainsi, les sociétés qui ont obtenu le contrat denlèvement avec le district dAbidjan enlèvent-elles environ 80% des déchets ménagers. Les 20% restant sont enlevés par les communes, généralement équipées de petits engins de collecte. Traditionnellement, la chaîne de collecte et délimination des ordures par les sociétés comprend :
Pour ce qui est du coût de la collecte et de lélimination des déchets, estimation s'élevait à 8 milliards de Frs CFA pour lannée 1997-1998 en raison de la production journalière de 2.000 à 2.300 tonnes dordures. Toutes les communes contribuent financièrement à hauteurs de 40% de leur budget à ces opérations pour la salubrité des communes (Direction de lEnvironnement, 2001). Outre ces opérations pratiques de salubrité, la société ASH International va recommander aux populations, en collaboration avec les communes, lutilisation des sacs appelés "H" pour une meilleure gestion des ordures. 1.4. Le service parcs et jardins Ce service a pour rôle lentretien des espaces verts, la maintenance de la salubrité, létayage des arbres, lentretien de la berge lagunaire, lentretien des jardins publics. Certaines communes nont pas concrètement entrepris des actions pour lutter contre la pollution de la berge lagunaire. En principe le service parcs et jardins intervient pour la gestion des ordures ménagères versées en bordure de la lagune et dans les jardins publics par les riverains. Toutefois, il est à signaler que depuis 2004 la mairie de Plateau a amorcé la réhabilitation de la baie lagunaire du Plateau en créant des espaces de jeux, de repos, etc. Certaines mairies ne disposent pas dun tel service pour les raisons inhérentes à la gestion de leur structure. Elles confient cet aspect à des sociétés privées telles que Clean Bor Côte dIvoire, Arôme, Lassire-déchet, etc. Cest le cas de la mairie dAdjamé, dAbobo, de Yopougon, Port-Bouët. En conclusion de ce premier point, on peut dire que le cadre institutionnel de gestion de lenvironnement urbain est relativement développé. En effet, il existe plusieurs structures intervenant dans les actions de promotion de la salubrité urbaine. Toutefois les résultats du travail accompli sur le terrain par ces structures sont loin datteindre les objectifs poursuivis par la politique de préservation de lenvironnement urbain. Les perceptions des habitants des quartiers périphériques le montrent ; cest lobjet du point suivant. 2. Perception de lenvironnement et gestion du cadre de vie par les populations de quartiers précaires de la ville dAbidjan. La perception de lenvironnement également désignée sous le vocable de conscience écologique est lensemble des représentations et significations quun individu ou une collectivité se fait de son environnement physique et qui en retour déterminent ses comportements et ses attitudes vis-à-vis de lenvironnement (Koffi, 1996). Cette partie de létude a pour objet danalyser les opinions des populations des quartiers précaires ont de lenvironnement et lattention quelles prêtent à lhygiène de leur cadre de vie. 2.1. La perception des ménages des quartiers précaires relative à lenvironnement La compréhension de lenvironnement peut être liée à lappartenance à un groupe (dimension culturelle) et au niveau dinstruction de lindividu. Pour mieux cerner les problèmes dinsalubrité qui se posent dans les quartiers précaires de la ville dAbidjan, il a été nécessaire de connaître ce que savent les populations de lenvironnement. Le graphique ci-dessous retrace les réponses que donnent les enquêtés des quartiers précaires. Ici, les modalités étant indépendantes les unes des autres, un chef de ménage à la possibilité de cocher plusieurs réponses. Lenquête a révélé que la grande majorité des ménages interrogés (44%) assimilent lenvironnement au cadre de vie, tandis quune autre portion relativement importante (21%) lassimile à leur entourage immédiat. Par contre, plus dun tiers (35%) des enquêtés nappréhende pas lenvironnement. Ce résultat traduit en définitive une perception peu diversifiée de lenvironnement par les Abidjanais. Concernant les sources dinformation sur lenvironnement, laudio-visuel joue un rôle prépondérant, avec 50 des personnes interrogées renseignées par ce canal. Celui-ci est suivi de loin par les mairies et les amis. Les autres sources occupent une place négligeable. En dautres termes, la radio et la télé occupent une place stratégique dans la communication en matière denvironnement. Il est cependant difficile dévaluer le niveau réel dinformation, voire de sensibilisation de la population concernée, en labsence de données sur le contenu des informations diffusées et les changements de comportements observés. Ce type de données devra être collecté dans une étude ultérieure. 2.2. La pratique de lhygiène dans les quartiers précaires Lenquête a saisi également la pratique des règles dhygiène dans les ménages enquêtés, en cherchant notamment à savoir comment ces populations gèrent leur cadre de vie. A cet effet, les questions ont été posées sur :
2.2.1 Le mode dévacuation des ordures ménagères Lenquête a révélé que lusage des poubelles individuelles par les ménages est assez courant puisque plus de trois quarts des ménages (78%) en possèdent. La qualité des poubelles utilisées influent cependant sur le stockage et lévacuation des déchets. Ainsi, il apparaît que le stockage des ordures dans les ménages se fait essentiellement dans des récipients solides (95%). Toutefois, une frange des ménages (4%) utilise des sacs en plastique, tandis que les autres (1%) déversent directement leurs ordures dans la nature. Les ménages qui ont déclaré ne pas disposer de poubelle chez eux, jettent directement les ordures dans la nature. Pour 23,9% des chefs de ménage, la lagune est utilisée, 6% jettent dans la brousse, 16,4% jettent près de la maison et 17,9% dans autres lieux qui sont en général des trous, caniveaux, au bord des routes, dans la lagune. Ce mode dévacuation des ordures ménagères est à lorigine de la pollution solide, sources de nuisances diverses et de risques sanitaires. En revanche, 35,8% préfèrent mettre à la poubelle publique qui après sont enlevées par les véhicules de ramassage des ordures. Les poubelles rencontrées dans ces quartiers sont généralement sans couverture. Or cest à proximité de ces poubelles que se déroulent la majorité des activités commerciales du secteur informel, notamment les restaurants, les bars de Tchapalo, de vin de palme et autres activités destinées à la consommation. Il en résulte des risques élevés de contamination et de maladies infectieuses et parasitaires. 2.2.2 Le mode dévacuation des eaux usées Le réseau de drainage des eaux usées est quasi inexistant dans les quartiers étudiés. En effet, 98% des ménages rejettent leurs eaux usées dans la nature, provoquant ainsi le multiplication des flaques deaux stagnantes propices au développement des larves de moustiques, ce qui concourt au risque paludéen dans la ville dAbidjan. Le traitement des eaux usées dans les quartiers précaires nest guère satisfaisant. En effet, la majorité des ménages évacuent leurs eaux usées dans la nature (soit à proximité de leur habitation, soit dans la lagune). A ceux là, il faut ajouter les ménages qui utilisent les trous ou les fosses sceptiques. Dès lors, on peut dire que les eaux usées ne sont pas évacuées correctement. Les ménages qui utilisent les caniveaux pour lévacuation de leurs eaux usées sont minoritaires (4%). Ce sont les ménages des fonctionnaires et des agents du privé qui habitent dans les zones dextension proches des quartiers résidentiels. Les données montrent quune proportion relativement importante des populations des quartiers précaires a des comportements dommageables à lenvironnement.La non utilisation des lieux conventionnels de dépôt des ordures ménagères entraîne linsalubrité du cadre de vie des populations des quartiers précaires. Par ailleurs, malgré les efforts consentis par les pouvoirs publics en installant des poubelles publiques et des coffres à ordures dans les quartiers ainsi que lutilisation des sacs "H" par lentremise des responsables communaux pour une meilleure gestion du cadre de vie, la population névacue pas toujours les ordures de manière appropriée, cest-à-dire aux endroits indiqués. Les ordures bouchent les caniveaux surtout au niveau des marchés et les bordures des routes, engendrant ainsi de sérieux problèmes denvironnement. Lenlèvement des poubelles est surtout laffaire des enfants et des femmes de ménages. En effet, la majorité des personnes enquêtées exercent des activités libérales (à ceux là, il faut ajouter quelques fonctionnaires et les agents du privé) et sont presque toujours absents du domicile. Les ménagères qui sont quelques fois présentes confient cette tâche aux enfants car elles sont occupées à dautres activités de ménage ou de petits commerces. Le problème qui se pose ici est surtout de savoir si les enfants et les servantes de maison à qui revient la charge de vider la poubelle, reçoivent les consignes nécessaires de la part de leurs parents ou leurs employeurs pour déverser les ordures au bon endroit. Cela ne semble pas être le cas car dans tous les quartiers sillonnés lors de notre enquête, les ordures sont parfois déversées à même le sol à proximité des logements, et aux abords des routes ; tandis que les coffres destinés à les recevoir sont presque vides. Le manque déducation et la négligence sont à lorigine de cette situation susceptible de provoquer la dégradation de du cadre de vie. 2.2.3 Les opinions des enquêtés sur les actions des mairies Les opinions de la population sont en général très mitigées : en effet plus de la moitié de la population interrogée (58%) juge laction des pouvoirs publics insuffisante, tandis quun peu plus dun quart (27%) la trouve acceptable. Une frange de personnes interrogées (15%) est sans opinion. En définitive, ce résultat traduit une certaine insatisfaction de la population des quartiers concernés devant les interventions des pouvoirs publics. Pour connaître les réels motifs des réactions des populations sur les relations qui existent entre elles et la mairie, nous avons cherché à savoir si la mairie les convie aux réunions concernant la gestion de leur environnement. Si elle est sensible aux problèmes qui se posent à leur cadre de vie. Les réponses obtenues se présentent comme suit dans le graphique suivant : De lavis des enquêtés, respectivement 26,7% (soit 80 personnes) et 15,1% (soit 45 personnes), la mairie les convie aux réunions et elle est sensible à leur problème de salubrité. Pour preuve, ces derniers se réfèrent aux réunions que les mairies initient souvent avec les chefs des quartiers. La présence des agents dhygiène qui sillonnent la commune pour lentretien des artères et des rues justifie aussi cette réaction. Mais en réalité, le constat sur le terrain montre que les résultats escomptés de toutes ces actions menées ne sont pas probants. Cest ce qui fait dire respectivement à 73,3% (soit 220 personnes) et 84,9% (soit 254 personnes) que la mairie ne les convie pas aux réunions et nest pas sensible à la dégradation de leur cadre de vie. Pour ces derniers, la mairie ne travaille pas bien pour la salubrité des quartiers. En effet, la crise du ramassage des ordures observée à certains moments dans la commune, est perçue aussi comme la preuve de linefficacité des mairies. Ce reproche fait aux mairies trouve son explication dans leur rattachement au district dAbidjan pour la collecte et lélimination des déchets dans les communes. Malgré ce fait, il y a lieu de remarquer quaux yeux des administrés, lautorité communale reste la première responsable des problèmes de la commune et doit donc résoudre celui de linsalubrité. Toutefois certaines Mairies ne peuvent pas totalement faire face à cette tâche parce que leurs recettes seraient insuffisantes. Le budget ne permet pas de faire de grands travaux de réhabilitation. 2.2.4 Les opinions des enquêtés sur les actions du gouvernement Lavis des enquêtés sur les actions menées par le gouvernement sest limité à la connaissance quils ont des campagnes de sensibilisation entreprises par les pouvoirs publics. Les données recueillies révèlent que dans leur immense majorité (79%), les populations ne sont pas au courant de ces initiatives. Ceci compromet évidemment leur adhésion aux actions menées. Ce résultat montre que face aux difficultés économiques, les populations accordent moins dintérêt aux questions environnementales. Elles sont en effet plus préoccupées par la lutte pour la survie donc par les questions économiques. Ce manque dintérêt à linformation environnementale contribue à accentuer les atteintes à lenvironnement avec les risques sanitaires qui en résultent. Le faible niveau dinstruction des populations concernées justifie en partie ce manque dintérêt à linformation parce quelles ne comprennent pas la portée du message diffusé surtout dans la langue française. Ce qui signifie que le canal dinformation mis en place nest pas adapté aux réalités du terrain. Il apparaît en effet que plus de la moitié des enquêtés (53,2%) avoue ne pas saisir le message véhiculé dans la campagne de sensibilisation. Ceci signifie que la campagne de sensibilisation natteint pas son objectif qui est non seulement dinformer mais aussi de provoquer un changement de comportement. Dans ces conditions, on peut sinterroger sur limpact réel la rentabilité sociale de ces campagnes de sensibilisation. Les changements opérés à la suite des recommandations de la campagne de sensibilisation surtout sur lentretien du cadre de vie sobservent chez 37,9% des enquêtés (qui utilisent des produits chimiques), 44,8% des enquêtés gèrent bien des déchets en les regroupant dans un lieu approprié pour éviter les désagréments. 55,2% des enquêtés disent faire des efforts pour rendre propre leur cadre de vie. Par contre, 45,5% des enquêtés soutiennent que rien na changé dans leur environnement contre 39,4% qui affirment ne pas comprendre le message véhiculé. La vie en groupe est difficile pour 24,2% des enquêtés. Pour ces derniers, le comportement de certaines personnes représente des freins pour la gestion de lenvironnement. En somme, la gestion de lenvironnement en général et celle des ordures ménagères en particulier sont un problème sérieux à suivre de près. Malgré le renforcement des moyens, lon constate que le comportement de certaines personnes restera toujours un obstacle majeur parce que celles-ci ne facilitent pas la tâche aux structures de gestion. Cependant, les autorités ont leur part de responsabilité dans le dysfonctionnement de la gestion. Les entreprises adjudicataires accusent souvent les autorités de gestion du retard prolongé de paiement des prestations de service. Ce qui provoque souvent une crise entre ces sociétés et les autorités. Lexemple du conflit éclaté entre la société Clean Bor Côte dIvoire et du District dAbidjan en 2003 en est une preuve. Les zones confiées à cette société souffrent de pollution, du fait dune collecte des ordures ménagères inappropriée. On peut dire, pour conclure ce point, que la gestion des déchets urbains souffre de dysfonctionnements préjudiciable à la préservation de lenvironnement urbain et du cadre de vie de populations des quartiers périphériques. Les conditions techniques de travail sont aussi responsables de cette situation. 3. Les conditions techniques de travail des agents de salubrité et la crise de sensibilisation de la population 3.1 Les conditions techniques de travail des agents de salubrité Les données recueillies montrent que les conditions techniques dans lesquelles le travail seffectue sont inappropriées. Malgré la restauration des services techniques des mairies, les moyens ne sont pas adaptés aux objectifs de la lutte contre linsalubrité définis par lautorité communale. Il ny a pas assez de camions pour le ramassage des ordures inaccessibles aux camions. Le matériel pour le désherbage et létayage des arbres reste artisanal. La desserte des quartiers par les agents municipaux se fait à pied. La rémunération reste insignifiante par rapport aux efforts exigés. Tout cela constitue autant de problèmes qui pour les agents de salubrité entrave la bonne marche de leurs différentes actions. La population enquêtée (malgré les problèmes dinsalubrité quelle vit) reconnaît que les agents travaillent dans des conditions techniques difficiles. Pour elle, cela sexplique par le fait que les mairies ne font pas des efforts suffisants pour améliorer les conditions techniques dans lesquelles travaillent les agents de salubrité. En ce qui concerne les résultats, les agents de salubrité se plaignent dêtre constamment confrontés à la réticence de la population, quant à lapplication des mesures de salubrité quils leur enseignent pour lassainissement de leur cadre de vie. Selon ces derniers, seulement une minorité des ménages prennent en considération ces mesures. Ce qui entraîne la dégradation du cadre de vie des familles. Cette attitude de la population sexplique par le fait que les agents de salubrité ne disposent que dun léger pouvoir de répression, en cas de refus dapplication des mesures de salubrité. Ainsi, ces derniers réclament-ils un renforcement de leurs pouvoirs, avec ladoption de certaines lois visant à punir ceux qui portent atteinte à lenvironnement. Les textes réglementaires en matière dhygiène sont insuffisants. Ce qui a pour conséquence les comportements anarchiques des producteurs de déchets et de certains éliminateurs. Notons également que la crise économique qui touche les populations abidjanaises notamment celles des quartiers précaires ne leur permet pas daccorder suffisamment dattention à la préservation de leur cadre de vie. En effet, il est difficile, quand on est pauvre, de ne pas porter atteinte à lenvironnement et au cadre de vie. On na peut-être pas besoin dêtre riche pour être propre. Cependant, dans les zones urbaines défavorisées, la pauvreté se conjugue avec la dégradation du cadre de vie. Entassés dans des maisons étroites, certaines familles ont du mal à assurer la salubrité de leur cadre de vie, faute despace. Certaines dentre elles sont financièrement incapables de se procurer de leau tous les jours pour les besoins dhygiène corporelle et celle du milieu. Certaines familles arrivent à le faire une et deux fois par semaine, en se limitant au simple balayage. Cet état de fait ne permet pas dobtenir un résultat probant. On a pu observer dans certains endroits une amélioration de la salubrité des cours communes grâce aux actions de ces agents. Apprendre à la population à assurer la salubrité de leur cadre de vie est une action noble, mais qui exige un minimum de connaissances voire déducation, de motivation individuelle et de moyens matériels et financiers au niveau communautaire. De ce fait, ils sont déterminés à continuer leurs actions, si les conditions techniques leurs sont favorables. Les difficultés relevées sont à lorigine de la crise de sensibilisation observée. 3.2 La crise de sensibilisation de la population : réticence de la population face aux mesures de salubrité Les agents de salubrité des mairies et ceux du district dAbidjan sont confrontés tous les jours à la réticence de la population qui refuse dappliquer convenablement les mesures de salubrité quon leur donne ou du moins quon leur impose. En réalité, cette attitude de la population des quartiers précaires face aux agents de salubrité, est consécutive à une crise de sensibilisation de cette population pour lassainissement de leur cadre de vie. Autrement dit, malgré les efforts consentis par les autorités municipales et celles du district dAbidjan, la sensibilisation de la population des quartiers précaires de la ville dAbidjan pour lhygiène du cadre de vie na pas encore eu les résultats escomptés. Ainsi, assiste-t-on régulièrement à des bagarres entre agents de salubrité et ménagères. En effet, les fréquents reproches faits par des agents de salubrité à lendroit des habitants de certaines cours pour des raisons dinsalubrité, est la preuve que le message passe difficilement. En revanche, les populations estiment que les autorités ne font pas le travail de collecte des ordures comme il se doit alors quelles font des efforts de rassembler les ordures dans les endroits indiqués. Les ordures continuent dêtre jetées dans les rues, les jardins publics et les berges de la lagune. Tout ceci atteste bien que limpact de la sensibilisation de la population dans les communes dAbidjan, en particulier les quartiers précaires, est encore faible. Le fait social qui se dégage finalement des données recueillies est que les populations des quartiers précaires, analphabètes dans leur immense majorité, considèrent généralement que les problèmes environnementaux, en particulier la gestion des déchets, est laffaire des seuls pouvoirs publics. En réalité elles ont du mal à comprendre que limplication des ménages et des individus dans les programmes de préservation de lenvironnement est déterminante pour le succès de ces programmes. Ceci est particulièrement valable pour les programmes mis en uvre par les mairies. Du fait de leur analphabétisme, ces populations ne parviennent pas à comprendre les liens existant entre les problèmes environnementaux immédiats (ordures ménagères, assainissement, insalubrité ) et la santé humaine. CONCLUSION Il se dégage de lanalyse des données que la sensibilisation sur les problèmes environnementaux en milieu urbain notamment dans les quartiers précaires reste insuffisante. Il résulte de ce déficit de sensibilisation la faible mobilisation des populations concernées pour la résolution des problèmes rencontrées. La prise de conscience de linteraction entre les activités humaines, lenvironnement et la santé reste un objectif à atteindre. Il faut donc continuer à sensibiliser le public aux problèmes denvironnement et le faire participer davantage à la recherche des solutions. Cest cela qui pourrait renforcer chez chaque individu le sens de la responsabilité personnelle à légard de lenvironnement et la volonté de sengager en faveur dune gestion rationnelle. Cest pourquoi les opérations de sensibilisation auprès des populations devront prendre en compte toutes les catégories sociales tout en mettant un accent sur les quartiers précaires où les problèmes denvironnement notamment dinsalubrité se posent avec beaucoup dacuité. Lenvironnement que lon veut préserver ou améliorer ne peut être laffaire des seuls pouvoirs publics. La participation de tous les segments de la société est indispensable pour atteindre cet objectif. La mise en place de comités locaux daction environnementale avec lappui des autorités administratives et municipales, des ONG et des entreprises industrielles et commerciales pourrait y contribuer. Lobjectif dune telle initiative est de promouvoir lapproche participative pour la résolution des problèmes denvironnement urbain. BIBLIOGRAPHIE
[1] Selon une étude financée par le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) et citée par le United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs-Intégrated Regional Information Networks (IRIN), la Côte dIvoire comptait en 2005 1.204.966 déplacés dont 933.000 à Abidjan. Voir le site htt://reliefweb.int/rw/rwb.nsf/vLCE/1B4ADED87C45ECE2852570C800719662 ?OpenDocument&StartK ev=West+Africa&ExpandView [2] Ce sont Agouéto à Abobo, Sodeci-filtisac à Adjamé, Sébroko à Attécoubé, Danga bas-fond à Cocody, Zoé bruno à Koumassi, Sans fils à Marcory, Tofiato à Port-bouét, Zone industrielle à Treichville, Sicobois à Yopougon. Lenquête sest déroulée dans le dernier semestre de 2004 et consisté à un seul passage dans les ménages. [3] Article 66, titre IV, chapitre premier du journal officiel de la République de Côte dIvoire du 16 août 2001 [4] Ngoran kouassi (Cyraque) : Etude préliminaire sur la gestion des déchets ménagers, Abidjan, Ministère du Logement, du cadre de vie et de lEnvironnement, Octobre 1990, P8. © Copyright 2007 - Union for African Population Studies The following images related to this document are available:Photo images[ep07014f1.jpg] [ep07014f5.jpg] [ep07014f3.jpg] [ep07014f4.jpg] [ep07014f2.jpg] |
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